L’APU et le Vieux Lille

En 1978, le réaménagement urbain d’une place, la Place des Archives à Lille, est l’occasion d’une mobilisation collective d’habitants et sympathisants décidés à peser dans les choix d’urbanisme pour ensuite appuyer une démarche municipale : la Commission habitat urbanisme du Vieux Lille. Dans cette instance se côtoient des représentants d’intérêts divers : commerces, défenses des vieilles pierres, animation de quartier, associations sociales, solidaires… Un conflit se déclare entre les défenseurs d’une personne âgée menacée d’expulsion et les sympathisants des «  nouveaux propriétaires ». Il est à l’origine de la création de l’Atelier Populaire d’Urbanisme du Vieux Lille.

Le contexte

A la fin des années 70, le Vieux Lille, quartier ancien, présente un état du bâti dégradé et attire une population défavorisée. Les familles ouvrières sont mal logées alors que les plus aisées qui habitaient dans des hôtels particuliers préféraient le calme des banlieues.

En 1976, la municipalité utilise un outil juridique et fiscal de rénovation des quartiers anciens, la loi du 4 août 1962, dite «  Loi Malraux », qui permet de protéger les quartiers anciens présentant « un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles ». L’objectif est de réhabiliter l’habitat ancien et d’améliorer l’image urbaine du quartier.

La requalification du bâti et la revalorisation de l’image du quartier ont eu pour effet de transformer le marché immobilier : hausse des prix des transactions et spéculations foncières. Ce qui a provoqué l’augmentation des loyers et donc le déplacement des populations moins aisées vers d’autres quartiers.

La genèse

En 1978, le réaménagement urbain d’une place la Place des Archives est l’occasion d’une mobilisation collective d’habitants et sympathisants décidés à peser dans les choix d’urbanisme pour ensuite appuyer une démarche municipale : la Commission habitat urbanisme du Vieux Lille. Dans cette instance se côtoient des représentants d’intérêts divers : commerces, défenses des vieilles pierres, animation de quartier, associations sociales, solidaires…

Un conflit se crée rapidement entre les défenseurs d’une personne âgée menacée d’expulsion et les sympathisants des «  nouveaux propriétaires ».

L’Atelier Populaire d’Urbanisme a été fondé en 1979, suite à cette tentative d’expulsion par des promoteurs immobiliers. Les habitants du quartier ont mené une action solidaire pour éviter l’expulsion. C’est suite à cette opération qu’ils ont décidé de créer l’association autour du thème habitat et urbanisme.

Celle-ci est née de ce combat d’habitants suite à l’évolution urbaine et sociale du quartier. Elle puise ses sources dans l’activité militante de citoyens et d’associations afin de poursuivre une bataille commune sur les difficultés liées au logement. L’idée est de permettre une participation réelle des habitants aux choix politiques pris pour leur quartier.

Pendant une année, les membres de ce rassemblement ont construit une vision commune qui a permis de développer une APU Vieux Lille dynamique et militante ainsi qu’un positionnement critique vis-à-vis de l’administration municipale mais surtout vis-à-vis de la propriété spéculative et peu respectueuse de la dignité des locataires.

Les premières actions et la consolidation du socle militant ont permis de développer un mode d’organisation original de l’association : l’accueil par le biais de permanence collective reposant sur trois fondements l’écoute, l’entraide, l’information des habitants.

Dés les années 90, avec la crise, le chômage, la précarité augmente. De nouvelles formes de pauvreté apparaissent (ex : les salariés précarisés qui ne réussissent plus à se loger). L’APU est obligé d’élargir son champ d’action (interpellation des élus de la communauté urbaine, du conseil régional, participation à des colloques régionaux et nationaux sur la loi contre les exclusions, la cohésion sociale, la loi de Solidarité Renouvellement Urbain…

Objectifs

Ses objectifs sont la promotion de la solidarité entre les habitants du quartier, la promotion du droit à l’habitat et à la ville, et la prise de responsabilité en matière d’habitat et de cadre de vie. L’association privilégie la défense et l’organisation des locataires, l’interpellation des instances concernées et notamment des élus.

L’évolution des actions de l’association a permis le développement d’une équipe de 5 salariés présentant des compétences différentes mais complémentaires. Cette organisation rend possible avec les habitants la médiation et/ou l’accompagnement en justice, l’opposition aux expulsions, les visites de logement défectueux, l’accompagnement des familles dans le cadre du Fond de solidarité Logement, des formations sur les procédures d’expulsions et l’insalubrité, la formation des bénévoles, des professionnels, des élus sur l’application du droit au logement…

Les batailles contre l’exclusion sociale et la discrimination ont permis de développer différents projets :

  • la revendication d’une politique du logement pour tous en cohérence avec les demandes et les besoins des familles ;
  • la lutte contre l’insalubrité et les marchands de sommeil ;
  • la lutte contre les expulsions,
  • l’accès aux droits fondamentaux (justice, soins, revenus, logements…) ;
  • la défense des sans voix pour permettre l’écoute des personnes exclues de notre système (famille à la rue, personnes hébergées, étrangers en attente de régularisation…) ;
  • le droit à l’expression des habitants ;
  • la prévention des exclusions sociales par le biais de sessions de formations et d’informations ouvertes à tous (professionnels de terrain, habitants, bénévoles, politiques).

Résultats

  • l’APU Vieux Lille rassemble : des adhérents, des bénévoles, des militants, des usagers, des salariés et des administrateurs (président, trésorier, secrétaire …). Leur implication a permis :

  • la création de deux APU dans d’autres quartiers lillois touchés par la spéculation immobilière et la création de rencontre inter APU pour favoriser leur développement, mutualiser les demandes de financement et constituer un lieu de réflexion, d’échange et de coordination sur les pratiques ;

  • la réalisation avec des militants d’autres mouvements des actions de revendication envers les responsables de la politique de l’habitat ;

  • le rapprochement avec les associations de lutte contre les exclusions (manifestations, réquisitions, développement d’un réseau partenarial…) ;
  • le développement et la qualification du bénévolat.

D’autres actions sont menées traditionnellement par l’APU telles que la défense du droit d’habiter et accompagnement social des usagers.

Conclusion

Appelés bénévoles, militants ou même volontaires, l’APU s’est appuyée depuis ses débuts sur des citoyens mettant leur temps au service de l’aventure collective. Ces militants ont plusieurs possibilités de s’impliquer dans l’association : les permanences collectives le Canard, le collectif logement, les implications ponctuelles (manifestation, groupe insalubrité, groupe de travail en interne)…

Les 3 lettres composant le sigle APU ont toutes un sens :

  • Atelier, car il s’agit d’un lieu de travail où sont émises des propositions ;
  • Populaire, car rien ne se fait sans la participation des habitants. La démarche se veut solidaire (entre égaux)
  • Urbanisme, car l’action porte sur les conditions de logement et de vie dans le quartier, dans la ville ;

Maïté Lucas, APU du Vieux Lille – le 13 mai 2005