Être pris dans une procédure d’expulsion est une situation des plus angoissantes. On peut s’y trouver confronté pour de multiples raisons. Comprendre quelles sont les différentes étapes est un premier pas pour se défendre. Rappel important : une expulsion ne peut avoir lieu que si une décision judiciaire l’ordonne. Ne vous laissez pas impressionner par ce que les bailleurs ou les huissiers peuvent vous dire avant le passage au tribunal.
Ci-dessous, nous vous racontons brièvement toutes les étapes et ce qu’il est possible de faire. La procédure est longue et l’on pourra agir à n’importe quelle étape. Dans tous les cas, le mieux est d’agir collectivement et de se faire aider le plus tôt possible par l’un des APU (Vieux Lille, Fives, Moulins). Cette fiche est extraite de la brochure éditée par le collectif anti-expulsions de Lille, à retrouver en intégralité ici.
1. Les motifs possibles pour enclencher une procédure d’expulsion
Première situation possible : dette de loyer
Il faut au minimum deux mois d’impayés pour que le bailleur puisse enclencher la procédure. Celle-ci commence par le commandement de payer : cet acte d’huissier ouvre un délai de deux mois pour régler la dette.
Attention ! À ce stade, rien n’est vérifié, le montant de cette dette peut être erroné, sous ou surévalué. N’oubliez jamais que le client de l’huissier est le propriétaire.
L’huissier doit saisir la commission de conciliation des actions de prévention des expulsions (CCAPEX). Cette commission prend contact avec vous et peut donner un avis en votre faveur pour que vous restiez dans le logement sous certaines conditions (échelonnement de la dette, démarches pour un relogement dans le logement social, etc.). Dans tous les cas, il ne faut pas attendre la réponse de la CCAPEX pour venir chercher de l’aide à l’APU !
Deuxième situation possible : congé délivré par le propriétaire
Ce congé peut être donné pour motifs de vente, de reprise, ou motifs légitimes et sérieux (troubles de voisinage, dégradation, utilisation du logement dans un autre but, comme par exemple le commerce…)
Il y a des formes nécessaires au congé : il doit être envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception ou via un huissier 6 mois avant la date anniversaire du bail. Dans le cas d’un congé pour vente, une proposition de vente au locataire, acheteur prioritaire, doit être faite.
2. Assignation au tribunal d’instance
Si l’on n’a pas pu payer la dette ou si l’on n’a pas pu quitter le logement suite au congé délivré par le propriétaire, on peut être assigné au tribunal. À ce moment-là, il est vraiment important de prendre contact avec une association de défense des locataires et/ou un avocat ou une avocate. Si vos ressources sont faibles, il est possible de faire appel à l’aide juridictionnelle (le coût de l’avocat est couvert par l’État). Vous pouvez obtenir des reports d’audience pour préparer votre défense et gagner du temps !
C’est à cette étape que tous les éléments de défense doivent être mobilisés (demande de délais de paiement, étalement de la dette jusqu’à 36 mois, demande d’indemnisation pour des problèmes dans le logement ou les mauvais agissements du propriétaire, etc.).
Quoi que disent le bailleur ou l’huissier, jusqu’ici, l’expulsion n’est pas possible. Seule une décision judiciaire peut l’ordonner.
3. Audience au tribunal
Il est important d’être présent avec son avocat pour expliquer sa situation et se défendre. Le jugement tombe quelques semaines après l’audience. Il s’agit de la décision du juge sur papier. Le·a juge peut prononcer un plan d’apurement –étalement du remboursement de la dette-, ou ordonner votre expulsion. Si l’expulsion est prononcée, la procédure suit son cours.
Attention ! Le jugement ne vous est pas opposable, c’est-à-dire qu’il produit ses effets (fin de bail, plan d’apurement, etc.) seulement une fois qu’un huissier vient vous le signifier (c’est-à-dire, remis en main propre ou récupéré à son bureau suite à un avis de passage).
Vous pouvez contester le jugement en faisant appel de la décision. Vous pouvez le faire dans un délai d’un mois pour un jugement « classique » et de 15 jours pour une ordonnance (procédure accélérée).
4. Commandement de quitter les lieux
À la suite du jugement prononçant votre expulsion, ou du non-paiement d’une des mensualités du plan d’étalement de la dette, un huissier vient vous remettre un commandement de quitter les lieux. Ceci ne peut avoir lieu avant deux mois après la signification du jugement. Cet acte ouvre un délai de deux mois pour quitter le logement. L’huissier doit informer les locataires des voies de recours.
À ce stade, vous pouvez saisir la commission de médiation du droit au logement opposable (commission DALO) pour obtenir un relogement dans un HLM. Si la commission décide que votre demande est prioritaire, le préfet devra vous proposer un logement adapté.
Vous pouvez aussi faire un recours devant le juge d’exécution (JEX) pour obtenir de 3 à 36 mois de délai pour quitter votre logement. Ces délais sont conditionnés principalement à votre « bonne foi » (si vous payez tout ou partie de votre loyer) et à vos démarches pour trouver une solution de relogement. Sachez que ce recours peut être fait à n’importe quelle étape de la procédure : après avoir reçu un commandement de quitter les lieux, après la tentative d’expulsion, après la demande d’intervention avec la police. Ces délais sont renouvelables. Quand ceux-ci expirent, vous pouvez à nouveau en redemander en ressaisissant le juge d’exécution.
5. Tentative d’expulsion
Si les délais du commandement de quitter les lieux, ou ceux obtenus devant le juge d’exécution sont terminés, un huissier peut venir pour tenter de vous expulser. Il est obligé de respecter certaines contraintes : il peut venir de 6 h à 21 h, pas le dimanche, ni les jours fériés ni en période scolaire quand vous avez des enfants scolarisés, ni pendant la trêve hivernale (entre le 1er novembre et le 31 mars). Vous pouvez, si vous ne souhaitez pas être confronté à l’huissier, lui envoyer un courrier d’opposition à votre expulsion (voir exemple dans les annexes).
Lors du passage de l’huissier, vous pouvez refuser la tentative d’expulsion. Il est important de ne pas opposer la force physique à l’huissier, il n’a pas non plus le droit de le faire. Tout simplement il prendra note, vous donnera un procès-verbal signalant la tentative et répartira.
6. Demande de concours de la force publique
À la suite de votre refus de partir ou à votre absence lors de sa venue, l’huissier se tourne vers le préfet pour lui demander de pouvoir vous expulser avec l’intervention de la police. Au préalable, deux enquêtes ont lieu, l’une par la police, l’autre par un service social (de la ville, du département ou par une association accréditée). Il n’y a pas grand-chose à attendre de ces enquêtes, ce sont de simples formalités. Ces derniers temps, la procédure à ce stade s’accélère de plus en plus. Après ces enquêtes, le préfet signe un arrêté autorisant l’intervention de la police ou non. S’il ne le fait pas, il doit indemniser votre propriétaire en conséquence.
Pendant la période de la trêve hivernale, entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année, ni l’huissier ni la police ne pourront venir vous expulser.
Il y a encore des recours possibles à cette étape : un recours gracieux auprès du préfet et/ou un recours contentieux devant le tribunal administratif. Ces recours doivent être faits dans les deux mois qui suivent l’arrêté du préfet.
À noter que si jamais vous êtes reconnus prioritaires pour un relogement dans le cadre du DALO, l’obligation de relogement pour le préfet prime sur la demande d’expulsion à votre encontre, c’est-à-dire que la préfecture ne peut pas organiser votre expulsion sans vous avoir proposé un logement adapté.
Schéma récapitulatif
Télécharger la brochure réalisée par le collectif anti-expulsion.